LII Sursum!
Dans ce Paris, cul-de-sac Inventé par feu Balzac, Le plus humble mammifère Nous parle d'Influenza. 5 Une chanson de Rosa Ferait bien mieux notre affaire. Sur notre front, clair et beau, Toujours brilla le flambeau Qui dissipe les ténèbres. 10 Le savetier Gavarni Fit notre soulier verni. Donc, ne soyons pas funèbres! Pour amuser nos destins Nous avons les doux satins, 15 L'or tramé, la pourpre insigne. C'est chez nous qu'Eve aux beaux yeux S'en délecte et sait le mieux Porter ces feuilles de vigne. O toi, dont le petit nez 20 A des reflets satinés Sous le zéphyr qui le fripe Et qui baise tes appas, Femme, ne te laisse pas Étonner par une grippe! 25 L'homme, qui s'est nommé roi, Garde le pouvoir; mais toi, Sa dédaigneuse compagne, Qui toujours le mets dedans, Rafraîchis tes blanches dents 30 Sur la mousse du champagne. Les théâtres, -- je les plains, -- Ne sont pas tout à fait pleins. A la meilleure des villes Nous permettrons ce défaut; 35 Et nous saurons, s'il le faut, Nous passer de vaudevilles. Tentons-le, c'est un essai. Et tout en plaignant Sarcey, Dont le cher coeur en soupire, 40 Devant les rubis du feu, Près d'une amante à l'oeil bleu, On pourra lire Shakspere. Le meilleur régal qu'on sert N'est pas au café-concert. 45 Ce sont les douces diphthongues Et les mots imitatifs Que les amoureux furtifs Disent sur les chaises longues. Que Gluck et Cimarosa 50 Fassent taire Influenza! Car c'est une douce chose De chanter Amaryllis, Tant que sur un sein de lys Fleurit un bouton de rose. 55 Nous cherchions le trésor; mais Nous savons tout, désormais. La Science, triste sphinge, En son babil indiscret Nous a dit le grand secret: 60 Nous descendons tous du Singe. Nos aïeux, contents de peu, Avaient le bout du nez bleu. Mais la meilleure sagesse Que l'on doive éterniser, 65 Croyez-le, c'est de baiser La bouche de la Singesse. 7 janvier 1890.
SONNAILLES ET CLOCHETTES -- Table des Matières
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