LES PRINCESSES Juillet 1874 AU LECTEUR Ainsi j'ai tenté la folle entreprise d'évoquer en vingt Sonnets les images de ces grandes Princesses aux lèvres de pourpre et aux prunelles mystérieuses, qui ont été à travers les âges le désir et les délices de tout le genre humain, ayant gardé ce privilége d'être adorées comme Déesses et aimées d'amour, alors que les siècles ont dispersé les derniers restes de la poussière qui fut celle de leurs corps superbes. Les peindre? La Peinture, l'art des Raphaël, des Rubens et des Véronèse, dont ces figures idéales furent les éternelles inspiratrices et l'aliment inépuisable, ne l'a jamais pu elle-même; et je m'estime assez bon artiste si j'ai pu faire songer à elles et faire apparaître dans l'esprit de ceux qui me lisent leurs fantômes qui éveillent toutes les idées de triomphe, d'orgueil, d'amour, de joie, de puissance, de sang versé, et de robes d'or éclaboussées de pierreries. Sans le souvenir de ces femmes toujours entrevues dans la splendeur de l'écarlate et sous les feux des escarboucles, le songeur que ravissent les fêtes de la couleur ne se trouverait-il pas un peu trop dépaysé dans une époque où ni les révolutions, ni le tumulte effréné des guerres civiles, ni les progrès industriels et scientifiques, ni la force même des choses n'ont pu venir à bout de dompter et de détruire ce monstre plus menaçant que la serpente Pytho: la jeune fille des vaudevilles de M. Scribe, qui avec un sourire de romance court après les papillons, en robe de mousseline agrémentée de l'invincible tablier de soie à bretelles roses? T. B. Paris, le 14 juillet 1874.
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