VARIATIONS LYRIQUES
                       [Titre de section]



            Ma biographie.
         A Henri d'Ideville.

     Le torrent que baise l'éclair
     Sous les bois qui lui font des voiles,
     Murmure, ivre d'un rhythme clair,
     Et boit les lueurs des étoiles.

5    Il roule en caressant son lit
     Où se mirent les météores,
     Et, plein de fraîcheur, il polit
     Des cailloux sous ses flots sonores.

     Tel, je polissais, cher Henri,
10   Des vers que vous aimez à lire,
     Depuis le jour où m'a souri
     Le choeur des joueuses de lyre.

     J'ai voulu des amours constants
     Et, sans me ranger à la mode,
15   J'ai chéri les cris éclatants
     Et les belles fureurs de l'Ode.

     Quand, tout jeune, j'allais rêvant
     Avec ma libre et fière allure,
     Ce fut le caprice du vent
20   Qui me peignait la chevelure.

     C'est au fond du détroit d'Hellé
     Que j'ai voulu chercher mes rentes,
     Et je n'ai jamais plus filé
     Qu'un lys au bord des eaux courantes.

25   Mais parfois, lorsque, triomphant,
     J'enfourchai mes hardis Pégases,
     Tombaient de mes lèvres d'enfant
     Les diamants et les topazes.

     J'ai touché les crins des soleils
30   Dans les infinis grandioses,
     Et j'ai trouvé des mots vermeils
     Qui peignent la couleur des roses.

     Je vins, chanteur mélodieux,
     Et j'ouvris ma lèvre enchantée,
35   Et sur les épaules des Dieux
     J'ai remis la pourpre insultée.

     Un instant, le long du chemin
     Où des fous m'en ont fait un crime,
     J'ai tenu bien haut dans ma main
40   Le glaive éclatant de la Rime.

     Sans repos je me suis voué
     Au destin d'embraser les âmes:
     Peut-être ai-je encor secoué
     Trop peu de rayons et de flammes.

45   Qu'un plus grand fasse encor un pas,
     Chercheur de la lumière blonde!
     Ami, je ne suis même pas
     La plus belle fille du monde.

        Juin 1858.

ODES FUNAMBULESQUES -- Table des Matières
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