þ POESIES NOUVELLES þ
NOUS TOUS
décembre 1883 - mars 1884
AVANT-PROPOS
Tous les petits poëmes que contient ce volume ont été publiés
sans interruption, l'un suivant l'autre, comme les perles d'un
collier qu'on défile. Cette fois encore, dans une campagne très
brève, (car il ne faut ni peser, ni insister,) j'ai tenté de
réaliser mon vieux rêve, et de marier la Poésie avec le Journal.
Mariage moins chimérique certainement que celui du Grand Turc et
de la République de Venise, ainsi que le prouvent tous les jours
plusieurs de mes jeunes confrères, pleins d'imagination et de
verve. Et comment le Journal, qui doit nous donner la vie d'hier,
encore saignante et palpitante, ne s'accommoderait-il pas de
l'événement pris sur le vif, ou d'un croquis de moeurs rapidement
saisi, et exprimé par cette Poésie de veine bien française, vive,
ironique, précise, lyrique aussi, que nous a léguée, à travers une
succession de génies, le grand aïeul Villon?
Toute ma vie, à des intervalles irréguliers, j'ai essayé de
contribuer à unir ces deux forces irrésistibles. En 1870, pendant
le siège, hélas! j'écrivais au jour le jour les Idylles
Prussiennes. La vertigineuse Histoire fournissait alors au rimeur
un thème malheureusement trop riche. Réduit maintenant à peindre la
vie de tous les jours dans sa réalité comique, a-t-il pu néanmoins
réussir en confiant à la feuille éphémère l'odelette qui s'efforce
d'être pensée dans une forme durable?
Les lecteurs du journal m'ont encouragé à le croire; reste à
savoir si leur bienveillante indulgence me suivra dans le livre, et
s'ils éprouveront quelque plaisir en y retrouvant leur propre
image, évoquée par l'ingénu et mystérieux artifice de la Rime?
Paris, le 15 avril 1884.
__________
NOUS TOUS -- Table des Matières
Retour à la page Banville