Henri Regnault
Henri Regnault! La Muse pleure Avec un long regard ami Ce jeune homme illustre, avant l'heure Dans la sombre gloire endormi. 5 O Mort, de forfaits coutumière! Charmant de sa jeunesse en fleur, Il se jouait dans la lumière, Créant la vie et la couleur. Prenant à l'art ses énergies, 10 Ses voluptés et ses tourments, Il s'enivrait de ses magies Et de ses éblouissements. A travers les étoffes rares, Il voyait, d'un oeil enchanté, 15 Sous l'or et les joyaux barbares Vivre l'immortelle Beauté. Déjà même, ivresse infinie! Il sentait, rêveur ébloui, L'aile de son naissant génie 20 Palpiter au dedans de lui. Oh! qui consolera le père, En son tourment sinistre et noir Tombé du faîte où l'on espère Dans le gouffre du désespoir? 25 Qui? le sacrifice lui-même De cet enfant insoucieux, Qui pour notre rachat suprême A donné son sang précieux. Sa mémoire vaillante et pure 30 A vaincu l'oubli meurtrier; A jamais dans sa chevelure Verdira le divin laurier, Et l'Envie aux dents de couleuvre, Qui respecte notre sommeil, 35 Ne mutilera pas son oeuvre Où se joue un rayon vermeil. Hélas! la danseuse lassée Qu'il peignit folle et sans remords, C'est la Destinée insensée, 40 Assise parmi des trésors, Qui, paresseuse et l'oeil candide, Sans rien vouloir ni rien sentir, Joue avec le couteau splendide Qui doit immoler un martyr! Janvier 1871.
IDYLLES PRUSSIENNES -- Table des Matières
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