La Contagion
La Contagion, dans ce temps Épouvantable des histoires, Sur nos ennemis hésitants Éparpille ses flèches noires. 5 Ils meurent en leurs lits fiévreux, Tandis que dans leur âme crie, Au milieu de songes affreux, La figure de la Patrie. D'un oeil morne et vivant encor, 10 Ils voient, loin des salles moroses, Leurs femmes aux longs cheveux d'or Et leurs enfants aux bouches roses. Et brûlants, le sein haletant, Ils cherchent, dans leur longue épreuve, 15 Le gai village, reflétant Ses maisons blanches dans le fleuve! Ils meurent, soldats, cavaliers, Jeunes gens gais comme l'aurore, Par centaines et par milliers, 20 Et la chaux vive les dévore. Parfois, sentant comme un remord A voir cette masse vivante S'écrouler ainsi dans la mort, Leur chef se trouble et s'épouvante. 25 -- Fléau, dit-il d'un coeur transi, Que veut ta rage envenimée? Pourquoi viens-tu me prendre ainsi Tout le meilleur de mon armée? Pourquoi viens-tu nous immoler? 30 Mais la Contagion impure Devient visible et fait voler Les serpents de sa chevelure, Et parle ainsi: -- Quand les clairons, Déchaînés sur les territoires, 35 Font frissonner les ailerons Noirs et sinistres des Victoires; Quand montent les arcs triomphaux; Quand les Batailles aux longs râles Vont tranchant de leur large faux 40 Des moissons de cadavres pâles; Quand vous avez dit: Tue ou meurs! Quand de la terre qui poudroie Montent d'effroyables clameurs; Quand la Guerre tonne et foudroie 45 Au milieu des champs douloureux, Cette meurtrière à l'oeil sombre M'apporte dans le vol affreux De ses ailes. Je suis son Ombre. Novembre 1870.
IDYLLES PRUSSIENNES -- Table des Matières
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