Lecture

Oh! quelle volupté! Lire! Entendre, oubliant nos maux, Tous les frissons de la Lyre Exprimés avec des mots! 5 Et regarder les estampes, Quand voltige et tremble un peu Sur la blancheur de nos tempes Le rose reflet du feu! Sans les toux préparatoires, 10 Le Livre, doux et charmant, Nous raconte des histoires, Mais silencieusement. Les caractères en foule S'en vont d'un pas leste et fin, 15 Et le conte se déroule Comme une étoffe sans fin. Nous voyons les belles phrases Construites selon nos voeux Nous montrer des chrysoprases 20 Dans les ors de leurs cheveux. Et menant la mascarade Sous les rubis indiens, Les mots qui font la parade Sont tous des comédiens. 25 L'un que la louange flatte, Apparaît tout radieux, Portant la pourpre écarlate; Il fait les Rois et les Dieux. Tel, qui parmi nous émigre, 30 Nous vient du pays latin, Et tel autre est, comme un tigre, Plus rayé que Mezzetin. Quelle joie! auprès de celle Dont le regard plein de jour 35 Même dans l'ombre étincelle, Lire des strophes d'amour! Mais lire est plus doux encore Lorsque le Temps envieux Avec sa neige décore 40 Notre front devenu vieux. Alors, penché sur son livre, Le vieillard, qu'on trouble en vain, Dit à l'Archer toujours ivre: Je ne bois plus de ton vin. 45 C'est fini des soins moroses! Je n'effeuille plus de lys Ni de rougissantes roses Pour Silvie ou pour Philis. Sans colère, il dit à maintes 50 Cruelles aux fronts pâlis: Églés et fières Amintes, Ne fredonnez pas. Je lis. Il dit: Chez moi je n'accueille Ni Lisettes ni Lizons. 55 Il n'est plus temps que je cueille Des violettes. Lisons. Mercredi, 25 novembre 1885.

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