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Le
premier roman de Rainville s'ouvre sur la formule consacrée selon
laquelle un roman épistolaire est précédé d'un
paratexte relatant la manière dont les lettres de Madeleine ont été
"trouvées". La curiosité des lecteurs acadiens est
aiguisée dans cet avant-propos par le récit des difficultés
qu'il fallait surmonter afin de pouvoir publier ces lettres, difficultés
dues au fait que les familles de Madeleine, de son époux et de son
beau-frère furent très connues, et que la publication pourrait
"sali[r] la mémoire" de personnes respectées et
aimées en Acadie (Avant-propos, 9). Car les lettres de Madeleine,
situées dans les années cinquante, auraient certainement provoqué
un scandale si elles relevaient d'une correspondance réelle et non
imaginée: elles révèlent d'abord l'amitié profonde,
puis la passion que partagent cette femme mariée et son beau-frère
qui fut prêtre. Enlevée par le mari jaloux au camp des bûcherons
où il travaille, Madeleine écrit à son amant pour lui
raconter la prise de conscience de son amour croissant pour lui, son angoisse
et sa culpabilité aussi bien que le bonheur profond d'être
aimée et comprise. Les réponses de Louis, ce "Trop cher
beau-frère" (52), doivent être reconstituées par
le lecteur à partir des réactions tantôt fougueuses,
tantôt sérieuses, tantôt réfléchies de
la scriptrice. Dans les marges de cette histoire d'un amour impossible se
dessine en filigrane et allégé par un beau sens de l'humour
le récit des gens du camp et de leur vie dure, entrecoupé
de quelques épisodes cocasses. |