Avant
la parution du roman policier Meurtres en Acadie ou Terreur à
Tracadie de Kathy Reichs (Paris, Robert Laffont, 2008) - il s'agit de la traduction
du bestseller Bones to Ashes, paru en 2007 -, peu de gens savaient probablement
que la lèpre a sévi sur la côte (nord-)est du Nouveau-Brunswick.
Tandis que Reichs nourrit son roman de quelques-uns des éléments
de cet épisode historique (en se basant en partie sur les recherches de
Losier et Pinet), Les enfants de Lazare retrace cette période entre
1815 et 1965 en détail. Voulant présenter une " histoire politique
et sociale, et non pas médicale " (12), les deux auteures enrichissent
la présentation des faits d'un volet fictionnel (en italique), placé
au début de chaque chapitre (sauf les deux derniers) : elles inventent
la voix narrative de Marguerite Robichaud qui a vécu réellement
(1813-1897) à Tracadie avant de mourir de la lèpre. La voix fictive
de Marguerite ajoute au texte factuel la perspective subjective du témoin
qui observe ce qui arrive aux malades. Elle raconte leur souffrance d'un point
de vue personnel et plein de compassion, jusqu'à ce qu'elle-même
tombe malade et devienne patiente au lazaret. La reproduction de sa notice nécrologique,
non fictive mais bien réelle du 23 mai 1897, clôt la série
des entrées fictionnelles. Les enfants de Lazare se constitue donc d'un
riche collage de faits historiques, sociologiques, politiques et médicaux
auxquels s'ajoutent de nombreuses illustrations et des extraits de journaux et
de biographies, y compris un "témoignage autobiographique" intermittent
bien imaginé tel qu'il aurait pu exister réellement. Seul défaut
du livre (réédité en 1992 par les Éditions de la Francophonie)
: le manque d'une table chronologique illustrant les faits et les personnages
historiques les plus importants. La lectrice doit elle-même reconstituer
le fil des événements à partir des détails dispersés
dans la narration.