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Voici
l'exemple d'un texte autobiographique qui est le fruit d'une collaboration.
L'apport de l'autre personne est d'habitude précisé
dans la préface. Il n'en est rien ici: le rôle de la
collaboratrice n'est pas spécifié en dehors de la
mention «compilé et édité par Odette
O. Haché». Aurait-elle écouté et transcrit
les souvenirs de l'auteure? Ou a-t-elle simplement choisi et mis
en ordre des bribes écrites par Cormier-Mourant? Le texte
liminaire suggère la deuxième possibilité.
On y apprend aussi que les souvenirs de l'auteure sont destinés
à ses proches, dans le désir de «faire connaître
à la jeune génération, qui pourrait les ignorer,
des faits, des coutumes, des événements ou des traditions,
bref, une façon de vivre qui risque de rester inconnue»
(1).
Le texte est divisé en plusieurs parties: il commence par
quelques pages succinctes consacrées au père, Gilbert
Cormier, et à la mère, Marguerite Thériault-Cormier.
Suit la partie intitulée «Mon autobiographie»,
écrite en 1989 (12-14), qui énumère chronologiquement
les étapes importantes de la vie de l'auteure. Cette partie
contient une ambiguïté: selon l'auteure, son mari
Jimmy Cormier serait mort en 1965. Mais sur la même page
se trouve une photo du 35e anniversaire de mariage du couple (13)
anniversaire qui aurait amené les époux à
l'année 1974, car ils se sont mariés en 1939, après
15 ans de «fréquentation». Une page plus loin,
l'ambiguïté temporelle continue: «En 1974, l'heure
de la retraite a sonné, je me suis retirée et je
mène une vie tranquille et heureuse avec mon mari après
45 ans de vie conjugale» (14). S'agirait-il d'un deuxième
mari? L'ambiguïté ou la simple erreur de datation
mise à part, le non-dit des raisons de quinze ans
de fréquentation est assez intrigant, étant donné
qu'à l'époque, les rencontres entre les jeunes étaient
surveillées de près et les coutumes exigeaient que
l'on se marie assez rapidement, comme l'auteure le décrit
si bien à la page 23, dans une partie substantielle du
texte portant sur les traditions et les fêtes (15-23). La
dernière partie comprend une suite de courts extraits ou
de textes probablement tirés d'un journal intime. L'auteure
y commente quelques dates marquantes: sa retraite à 65
ans; ensuite, plusieurs anniversaires, entre 80 à 92 ans.
De nombreuses redites au sujet de la santé (qui semble
avoir été bonne jusqu'à la fin), du plaisir
de vivre, du passage inexorable du temps, s'y mélangent
avec des bribes de sagesse populaire. En voici deux:
«Vieillir
allègrement, c'est accepter l'automne de sa vie après
avoir bougrement profité de l'été. Je ne
voudrais pas tout recommencer, ça prendrait tout un courage
pour retraverser tous les ans que j'ai derrière moi»
(p.26, à l'âge de 85 ans).
«On devient pas [sic] vieux ou vieille pour avoir vécu
un certain nombre d'années, on devient vieux ou vieille
parce qu'on a déserté son idéal» (p.31,
à l'âge de 91 ans).
Une partie généalogique de Jeanne Cormier-Mourant,
établie par Odette Haché, clôt le livre qui
esquisse quelques traditions acadiennes ainsi que certains événements
marquants de la vie de l'auteure sans pour autant trop révéler
de sa vie intérieure, trait caractéristique de toute
la génération des Acadiens et Acadiennes né.e.s
dans la première moitié du 20e siècle.
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