|
Ce
livre, rédigé en anglais par l'auteure qui vit maintenant
en Floride, et traduit en français par F. Cormier et E.
Goguen, relate la vie de la famille Breau, les ancêtres
de l'auteure. Après leur départ de Chezzetcook en
Nouvelle-Écosse au début du 19e siècle, les
Breau se sont installés à Cocagne. Au début
du texte, Breau-Major met dans la bouche d'un de ses ancêtres
un proverbe chinois qui exprime la motivation d'écrire
de beaucoup de femmes: «[O]ublier ses ancêtres, c'est
être un ruisseau qui n'a pas de source, un arbre sans racines».
Au niveau de la narration, ce proverbe constitue un tournant décisif
dans la vie de la jeune Hélène Breau qui sait dès
lors qu'elle continuera d'écrire «pour tous ceux
qui sont disparus avant nous et tous ceux qui viendront après
nous» (7). Le texte prend donc la forme d'un journal intime,
tenu par Hélène entre août 1804 et juillet
1805. Il se clôt soixante-douze ans plus tard sur deux entrées
ajoutées en automne 1877 par la fille d'Hélène
qui, venant de lire le journal de sa mère, relate le décès
de celle-ci. La transmission des histoires familiales de mère
en fille a ainsi franchi la première étape.
Comme toute jeune fille tenant un journal intime, Hélène
Breau inscrit dans le sien les occupations quotidiennes des membres
de la famille ainsi que les événements importants
survenant dans leur vie: le déménagement de Chezzetcook
à Cocagne en bateau, l'arrivée et l'installation
dans leur nouvelle maison, de nouveaux liens qui se tissent avec
les voisins, les travaux saisonniers, un troc amical avec des
Micmacs, les préparatifs pour l'hiver, les veillées
où l'on raconte l'histoire de la famille en remontant jusqu'à
la déportation de 1755, etc. Derrière la voix de
la jeune fille se fait clairement entendre celle de l'auteure
qui, ayant choisi la forme du journal intime, raconte l'histoire
de ses ancêtres sur un ton plein de nostalgie pour une époque
révolue à jamais. Une comparaison intéressante
serait à faire entre ce soi-disant journal et celui de
Cécile Murat, écrit par J. Alphonse Deveau (Journal
de Cécile Murat, 1980) qui, lui aussi, a adopté
cette forme afin de remémorer l'histoire d'un membre de
sa parenté vivant de 1780 à 1855 à la Pointe-de-l'Église
en Nouvelle-Écosse. Il est même possible que le texte
de Breau-Major ait été modelé sur celui de
Deveau.
|