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Après
avoir publié un petit livre de récits consacrés
à Polidore, homme sans éducation qui travaille au
moulin de papier dans le nord du Nouveau-Brunswick, et un deuxième
où la prose autobiographique côtoie les poèmes
de l'auteure (Bout-ci, Bout-là), Le tour de mon
jardin d'Arseneault Diotte est son autobiographie, parue vers
la fin de ses soixante ans. L'auteure, surnommée la Bolduc
acadienne, fait dans ce texte le tour de son jardin, métaphore
de sa vie, en parcourant les quatre saisons. Contrairement à
tant de récits autobiographiques publiés par des Acadiennes,
Arseneault Diotte n'hésite pas à évoquer, en
toute franchise et à côté de maints bonheurs
et succès, les expériences pénibles, les doutes
et les échecs qu'elle a connus. Se révèle ainsi
la vie d'une femme acadienne qui a choisi de suivre son propre chemin,
chemin parfois à l'encontre des murs de son temps.
Née en 1933, fille aînée de sa famille, Lorraine
n'écoute pas les conseils de sa mère qui veut qu'elle
fasse des études afin de devenir enseignante ou religieuse.
Tombée amoureuse à l'âge de quinze ans, elle
continue de rencontrer son ami Edmond en cachette, en raison de
la désapprobation de sa mère qui est contre cette
relation. Pourtant, elle tient tête à tous ceux qui
s'opposent à cet amour et les deux amoureux se marient
quand Lorraine n'a que dix-sept ans. Le récit de sa jeunesse
et des premières années de son mariage est raconté
dans un style vif où l'on ressent bien le désir
de bonheur d'une jeune femme têtue qui sait ce qu'elle veut
et qui ne se laisse pas détourner de son chemin par qui
que ce soit. Son attitude rebelle qui lui fait franchir bien des
obstacles ressort bien; elle ne cache pas non plus son désaccord
avec certains enseignements de l'Église pour laquelle les
relations sexuelles ne comprennent pas le plaisir mais sont strictement
réservées à la procréation. Il n'en
est rien pour ce couple qui, après la naissance de deux
filles, décide même de ne plus avoir d'autres enfants
afin de pouvoir réaliser leurs nombreux rêves. Ainsi
Lorraine retourne-t-elle à l'École normale à
l'âge de trente ans, en se séparant de son mari et
de ses filles pour un certain temps, afin de terminer sa formation
d'enseignante.
Commence ensuite une longue carrière dans l'enseignement,
accompagnée d'une carrière d'animatrice, de compositeure
et de chanteuse. Dans cette partie du livre se révèle
une fois de plus que l'auteure n'hésite pas à dire
ce qu'elle pense; elle l'exprime le mieux dans ses chansons populaires
dont plusieurs sont reproduites dans son autobiographie. Ses poèmes
et chansons ne font pas partie de «la Littérature»
ce qui, de toute manière, n'est pas son objectif. En combinant
la musique acadienne avec du country ou du western, elle y chante
l'amour, la nature, le quotidien, les injustices commises à
l'égard des défavorisés, et les revendications
des Acadiens trop longtemps opprimés par les Anglophones.
Ses succès, prix et honneurs sont multiples: en 2001, par
exemple, elle remporte le prix honoraire Stompin' Tom de l'Association
de la musique de la Côte Est. C'est dans cette partie du
texte, consacrée à sa double carrière, que
le livre est moins réussi: trop de répétitions,
trop d'énumérations de noms propres, d'activités
de bénévolat, de tournées musicales qui n'intéressent
guère que les participant.e.s. Cette faiblesse stylistique
est accusée vers la fin où l'auteure ne se donne
plus la peine de former son récit; elle y ajoute simplement
extraits après extraits, tirés de ses nombreux journaux
intimes, qui lui ont permis de rédiger cette autobiographie
détaillée. Celle-ci est d'ailleurs entrecoupée
de beaucoup de photos, de coupures de presse, de reproductions
de lettres et de chansons, ce qui rehausse la forme inusitée
de ce texte, témoin d'une vie pleinement vécue.
Le livre se termine sur une partie mettant en relief la discographie
et les publications de l'auteure.
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